Sommet UA-UE: Côte d’Ivoire: « Nous pouvons présenter maintenant des nouveaux métiers aux jeunes »- Dr Alain-Serges Kouadio

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Sommet UA-UE: Côte d’Ivoire: « Nous pouvons présenter maintenant des nouveaux métiers aux jeunes »- Dr Alain-Serges Kouadio

Comme précisé récemment, Era Environnement vous fait découvrir les solutions africaines en amont du One planet Summit prévu le 12 décembre prochain. A quelques heures du  Sommet entre l’Union Africaine et l’Union Européenne dédié à la jeunesse africaine, Era Environnement  vous fait découvrir  les solutions de développement sobre en carbone disponibles en Afrique. Dr Alain-Serges Kouadio,  ancien chercheur, économiste de l’environnement à l’Université Nangui-Abrogoua  (Côte d’Ivoire) et actuel  Directeur de l’économie verte et de la Responsabilité Sociétale des Entreprises  au ministère de l’environnement de la Côte d’Ivoire, s’est confié à Era Environnement récemment, en  présentant notamment les différentes opportunités d’intégration de la jeunesse africaine dans les nouveaux métiers verts en Afrique. Entretien.

 

Era Environnement : Ces dernières années, on parle beaucoup des opportunités  des changements climatiques et du développement durable pour et par les entreprises. Comment intégrez-vous ces notions ?

Dr Alain-Serges Kouadio : Avant tout, je voudrais dire que le changement climatique, c’est la biologie animale, la biologie végétale, la biodiversité, la géologie, la climatologie la météorologie. C’est multidisciplinaire, pour ne pas dire transdisciplinaire, lorsqu’on veut arriver à des solutions intégrées et durables. Le Développement durable , c’est tout ce qui est économique et finance. Il faut comprendre les réalités économiques et c’est ce que nous faisons avec le partenariat mondial sur les stratégies bas carbones, Africa LEDS Partnership. En tant que directeur de l’économie verte au ministère de l’environnement de la Côte d’Ivoire,, j’ai été sollicité par ce partenariat mondial sur les stratégies bas carbone il y a deux ans. Ce partenariat  regroupe aujourd’hui plus de 25 pays avec 200 à 300 membres. Ses objectifs : aider les différents pays à élaborer leur stratégie bas carbone, avec une forte connotation socio-économique dans la lutte contre la pauvreté et le chômage notamment des jeunes. Aujourd’hui, avec ce partenariat, on  essaye d’affirmer un certain leadership.

Comment cela se traduit-il dans votre pays ?

Au niveau de la responsabilité sociétale en Côte d’Ivoire, nous sommes en train de renforcer le cadre réglementaire pour encadrer et encourager l’ensemble des entreprises qui ont une démarche de responsabilité sociétale. Nous sommes en train d’introduire un décret sur la responsabilité sociétale des entreprises et ce décret est élaboré avec une forte inclusion du patronat ivoirien, avec une forte inclusion des différentes chambres consulaires et des universités et puis des différents ministères clés. Lorsque je suis arrivée à la tête de l’économie verte et de la Responsabilité Sociétale en Entreprise, la plupart des parties prenantes avaient besoin d’avoir un cadre de mise en œuvre, un cadre  d’expression de la Responsabilité Sociétale en Entreprise. Nous avons, dans un premier temps, organisé une première consultation des parties prenantes et  nous avons évalué  la situation. On a ensuite élaboré un document de référence sur les indicateurs de responsabilité sociétale.

Quels types d’entreprises sont concernés ?

Tous les secteurs sont concernés. Les entreprises minières qui détruisent vraiment  l’environnement, ont besoin d’avoir une démarche de responsabilité sociétale. Nous mettons aussi l’accent sur les entreprises primaires dans le domaine du pétrole, des mines, de l’ agro-industrie et les entreprises commerciales, notamment celles produisant des solutions d’emballage. Exemple : l’alternative aux sachets plastiques. Parce que la Côte d’Ivoire interdit  l’utilisation des sachets plastiques, suite à un décret, nous faisons  un plaidoyer auprès des entreprises de services afin que tous les emballages soient biodégradables. Et, c’est efficace !

Comment une telle initiative peut elle avoir un effet positif  sur les autres pays d’Afrique ?

Comme j’ai  la chance d’être le co-président d’Africa Led partnership, je peux faire lien avec nos expériences réussies. Le partage d’expérience est d’ailleurs un des objectifs de ce réseau. Chaque année, on a notre réunion annuelle et c’est une opportunité de présenter les bonnes pratiques, leçons apprises, contraintes et difficultés. Cette année la réunion s’est déroulée en Côte d’Ivoire, et selon les participants, c’était vraiment une réussite.

Comment fonctionne Africa LEDS Partnership ?

Cette initiative  a été créée  en 2014 à Kinshasa en République Démocratique du Congo,  lors d’une réunion de la Banque Mondiale sur la croissance verte. Dans cette structure, il y a d’abord deux co-présidents, un Kenyan et moi. Il y a un comité de pilotage qui intègre les différents bailleurs, notamment le partenariat mondial sur les stratégies bas carbones, on a un autre comité qui est stratégique, chargé de la lutte contre les changements climatiques. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, la Banque Mondiale et   l’Agence Française de Développement  font  partie du comité de pilotage. Nous prospectons actuellement la Banque Africaine de Développement pour qu’elle se joint aussi au comité de pilotage. En plus de ce comité de pilotage, nous avons un secrétariat exécutif, basé à Cape Town en Afrique du Sud. Comme je le disais précédemment, nous organisons chaque année une réunion annuelle pour faire le bilan et pour voir les perspectives de l’année en cours.

Quelle place ont les jeunes dans le cadre de l’Africa LEDS Patnership ?

A chaque réunion annuelle, on invite des jeunes de la société civile pour venir porter leur voix. Avec Africa LEDS partnership, nous faisons la promotion des stratégies bas carbone avec un fort élément sur la création d’emploi et des métiers verts notamment pour les jeunes. Au niveau des pays, par exemple, en Côte d’Ivoire, nous avons un projet intitulé développement des compétences et insertion des jeunes dans les filières vertes. On travaille avec toutes les universités. On a sorti un document de référence sur les métiers verts. On a identifié les métiers sur lesquels on va s’appuyer dans le secteur primaire, dans le secteur de la transformation, dans le secteur des services. Nous avons dans le cadre de ce projet influencé le système éducatif en répertoriant les métiers afin de susciter des spécialisations. Nous pouvons présenter maintenant des nouveaux métiers aux jeunes issus  des communes et des milieux ruraux.

Comment identifiez-vous ces métiers en Côte d’Ivoire et comment vous faites-vous la promotion de ces métiers au niveau des jeunes ?

Nous sommes un pays agricole et nous suscitons des vocations dans le domaine agricole , et forestier avec notamment le partenaire de l’Africa LEDS partnership,  Ebafosa. C’est une approche sur l’écosystème africain pour la sécurité alimentaire, initiée et coordonnée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement.* Nous présentons aussi des  métiers liés à la  production de fertilisants organiques,  en matière de produits de composte pour lutter contre l’utilisation des intrants chimiques. On travaille avec les universités publiques  et on va former ainsi des jeunes à la fabrication de composte. Au niveau des énergies renouvelables, nous formerons les étudiants aux techniques d’audit énergétique des bâtiments, d’audit énergétique des industries. Et, on travaillera aussi sur les métiers de production et de maintenance des  énergies renouvelables. Jusqu’à présent, on importait des équipements solaires, sans se charger de la maintenance. Nous allons prochainement travailler sur ces questions. Dans le domaine des  énergies renouvelables, nous avons aussi identifié un autre métier : le marketing social. Le concept de marketing durable est un concept très fort. C’est l’application du marketing commercial à la promotion du développement durable qui consiste à faire la promotion du prix du produit, sur les bienfaits du produit, sur l’analyse de la concurrence des biens substituts des énergies conventionnelles. Généralement, le marketing social était utilisé dans le domaine médical, pour lutter contre le VIH SIDA pour le combattre et on peut l’appliquer au développement durable.

La question de l’accès à l’eau est une problématique importante notamment en Afrique. Quels sont les types de métiers de l’eau que vous allez promouvoir ?

Au niveau de l’eau, on a  mis l’accent sur l’agriculture durable, la gestion de l’eau agricole : il y a des techniques d’irrigation que nous allons mettre en place. Actuellement, on a un projet financé par la FAO et l’Union Européenne sur la riziculture irriguée et la riziculture pluviale. La résilience climatique du secteur vivrier en Côte d’Ivoire et la dimension climatique est réellement prise en compte dans ce projet.

Quelle est le rôle de la langue ? Comment approchez-vous les agriculteurs ?

Oui, c’est la question que nous nous sommes posés au début : Comment transmettre des techniques à des agriculteurs qui ont des pratiques courantes traditionnelles, héritées de leurs  ancêtres, si le langage pose problème ? Pour répondre à cette question, nous avons mis à disposition  des  fiches d’itinéraires techniques avec des schémas, des images, des films, et puis on a travaille avec des leaders communautaires que nous appelons les pères éducateurs, des personnes qui maîtrisent les langues locales et le français. Nous les avons formés et ces personnes sont en quelques sortes nos intermédiaires. Ainsi, il y a quelques  semaines, nous avons formé 30 paysans sur les systèmes appelés Systèmes de Riziculture Intégrée (SRI), le projet financé par  par la FAO et l’Union Européenne. Cette approche agro-écologique permet d’augmenter les rendements du riz et de diminuer les intrants (eau, engrais, herbicide, et pesticide). Nous faisons aussi du coaching : une transmission de connaissance d’agriculteur à agriculteur avec le soutien de nos intermédiaires, «  nos pères éducateurs ». Nous faisons aussi intervenir le meilleur planteur de Côte d’Ivoire qui bénéficie d’un contrat de trois ans. Nous allons aussi éditer un guide pratique d’agriculture durable à l’issue de son contrat et les radios communautaires se chargeront de diffuser l’information. Nous avons choisi 4 villages pilotes dans la région ouest de la Côte d’Ivoire, une zone forestière qui dispose d’une agriculture florissante.

Propos recueillis par Houmi Ahamed-Mikidache

29 novembre 2017

*http://www.eraenvironnement.com/dr-richard-munang-with-ebafosaeveryone-can-be-8762-engaged-in-africa/

  • Alain-Serges Kouadio faisait partie des membres de la délégation ivoirienne à la COP 23
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