COP 28: Partager les connaissances pour agir

Sharing is caring!

Par Houmi Ahamed-Mikidache

« Nous devons oser être différents, nous devons oser être audacieux, nous devons oser partager, nous devons oser nous rassembler: toutes nos activités doivent être liées au mot oser », conclut, à Accra au Ghana, Fatima Denton à la fin de la conversation de deux jours sur le défi de partager les connaissances sur les transitions justes.

Fatima Denton, Directrice de UNU-INRA- Crédit Photo : Houmi Ahamed-Mikidache


Dans cette conversation, les femmes et les jeunes ont un rôle important à jouer, précise-t-elle. Les éléments clés des différentes discussions en ligne et en direct sur les transitions justes et les canaux à adopter ont été présentés à la fin des deux jours. Mais est-ce suffisant? Pour Fatima Denton, le message de cette conversation est qu’il y a des résultats positifs en termes de possibilités d’investissement. Le remodelage du système peut être fait pour ne pas manquer les opportunités, rappelle-t-elle en faisant référence à l’intervention de Xolisa Ngwadla, conseiller en politique climatique et négociations internationales. « Il y a beaucoup d’opportunités en Afrique avec les ressources énergétiques, avec le commerce inter-africain et l’intégration des chaînes de valeur », rapporte la scientifique. Comment l’Afrique peut-elle aller plus loin ? Les transitions ne doivent pas être trop rapides, mais graduelles », souligne-t-elle, en répétant les mots de James Murombedzi.

Face aux revendications

SENA Alouka présentant le rapport « Transition Juste »- ALOUKA est président de Jeunes Volontaires pour l’Environnement- Crédit Photo: Houmi Ahamed-Mikidache

Pour Sena Alouka, président de Jeunes Volontaires pour l’Environnement ( JVE), une organisation non gouvernementale représentée depuis 20 ans, dans 20 pays d’Afrique, « Dare to share knowledge platform on just transitions » est le début d’une conversation qui ne devrait pas s’arrêter aux deux jours de réflexion. Parlant en visioconférence, Mailes Zulu, militante écologiste expérimentée basée en milieu rurale en Zambie soulève une préoccupation liée à la recherche sur le terrain. « Si vous voulez réaliser vos recherches sur les transitions justes, si les gens font des recherches, ils doivent revenir voir les communautés qu’ils ont interrogées. Ils doivent rendre leurs conclusions et apporter leurs solutions aux communautés qui vivent avec les ressources naturelles et les connaissances autochtones », affirme-t-elle.  » Pourquoi le genre à la base n’est-il pas impliqué dans la finance climat ? demande l’activiste.

Participant lui aussi en visioconférence, Chuks okereke, professeur en environnement et développement à l’Université of Reading au Royaume Uni, estime que les procédures d’accès à la finance climat doivent passer par des personnes expérimentées. « Nous avons l’expertise, nous savons comment présenter les projets, nous n’avons pas à les traduire dans nos langues locales », déclare-t-il. Mais comment les gens sur le terrain peuvent-ils changer les situations locales s’ils ne comprennent pas les projets et les actions ? Pour les experts présents, il ne s’agit pas seulement de projets, il s’agit de répondre à un besoin fondamental des gens sur le terrain.  » Pour atteindre ces transitions, il nous faut des visions, une planification et des stratégies collectives », rappelle Fatima Denton en reprenant les mots de James Murombedzi.

Chuks OKEREKE, professeur en environnement et développement à l’Université of Reading au Royaume Uni- CP: Houmi Ahamed-Mikidache

« L’ Afrique doit former sa propre expertise »

Dans le rapport « Juste Transition », « Transition juste : une vision du climat, de l’énergie et du développement pour l’Afrique »,  rédigé sous la supervision du scientifique de renommée internationale Youba Sokona, et publié au mois de mai dernier, il est rappelé que les pays africains doivent appliquer le principe de précaution convenu lors de la conférence de Rio en 1992. « L’ Afrique doit former sa propre expertise d’anticipation des nouveaux défis et de possibilités. Les aspirations de développement du contient pourraient inclure la création de connaissances et d’établissements d’enseignements panafricains », indique le rapport. Youba Sokona est aussi le collègue de longue date de Fatima Denton au sein de Groupe d’Experts  intergouvernemental sur l’évolution du climat. D’après les auteurs de l’ étude sur la transition juste, le continent pourrait renforcer sa capacité d’évaluation technologique et d’analyse des perspectives en faisant intervenir la société civile, les experts et les gouvernements africains. La plateforme Dare to share knowledge on just transitions pourrait-elle être un levier pour l’Afrique?

Comment anticiper, analyser et évaluer les nouvelles technologies sans financement? Où trouver ces financements? Comment atteindre la finance climat ? Pourquoi la finance climat n’est pas facile d’ accès ?

Robert Sogbadji, Ministère de l’énergie du Ghana

Les procédures d’accès au financement notamment au fonds vert climat , l’un des principaux fonds climat, sont jugées trop longues. » Dans le cadre d’un de notre projet UNIDOO, un de nos projets, cela fait plus de deux ans que nous essayons d’avoir accès au financement climat pour atteindre l’efficacité énergétique et nous sommes même obligés de puiser dans nos fonds propres », explique Robert Sogbadji, du Ministère de l’énergie du Ghana. Et de poursuivre: « La majorité des sommes que nous voulons obtenir est sous forme de prêt et vous connaissez la situation de nos dettes dans nos pays ».

Présent en visioconférence, Yacob Mulugetta, chercheur, et aussi un des auteurs du rapport « Transition Juste », prône une solidarité structurelle en Afrique sur le modèle de l’Asie. L’Afrique devrait prendre exemple selon lui sur l’élite asiatique qui investit massivement pour le développement de leur continent. Plusieurs programmes d’accès à l’énergie en Afrique manquent de financement.  » Certains programmes existent et fonctionnent comme ceux financés par la Banque africaine de développement », précise Sena Alouka. Et de s’interroger sur les récents programmes accordés à l’Afrique :  » l’Afrique du Sud et le Sénégal sont les deux pays bénéficiant des JETP ( Partenariats Justes de transition énergétique), dans ces programmes seuls 3% des fonds sont des dons, le reste ce sont des prêts, de quelles transitions justes parlons-nous? »

Yacob Mulugetta, professeur de politique énergétique et de développement à l’Université de College London- CP: Houmi Ahamed-Mikidache

Pourtant ce n’est semble-t-il pas l’objet de ces partenariats. « La valeur ajoutée des JETP réside dans le fait qu’ils s’appuient sur des trajectoires stratégiques de long terme pour mieux comprendre quel type d’instrument financier (subventions, prêts concessionnels, garanties, prêts sur le marché des capitaux) devrait être utilisé pour financer telle ou telle activité spécifique, et quelle activité est nécessaire pour réaliser telle ou telle transformation finale. Un tel programme de transformation nécessite une gouvernance solide incluant toutes les parties prenantes concernées et ne peut s’appuyer sur des consultances étrangères ponctuelles » rapporte l’Iddri, le think dans une analyse issue d’un atelier de réflexion autour de la décarbonation.

Un leadership et des aspirations de développement

Le rapport « Transition juste, une vision pour le climat, l’énergie et le développement de l’Afrique », rappelle qu’il ne faut pas confondre charité et responsabilité des pays riches. Pour parvenir à une transition juste, le rapport recommande une mobilisation de tous les acteurs, un leadership et des aspirations de développement telles qu’un programme pour les énergies renouvelables mondiales et la transformation de l’accès à l’énergie. Ce programme doit réunir les contributions financières de sources bilatérales et multilatérales sur le modèle présenté à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique. Le rapport demande la mise en place de mécanisme de financement de la diversification économique capable de soutenir les pays africains.

Les auteurs du rapport plaident également pour la mise à disposition d’un fonds de protection social, sur la base des sollicitations de l’Organisation Internationale du Travail et des syndicats. Le rapport  » Transition Juste » demande pour finir un meilleur accès au fonds vert pour le Climat. Pour les auteurs de cette analyse, « l’accès au fonds vert doit être réformé en profondeur, face à la montée des critiques du secteur privé et des projets problématiques qu’il soutient ». Le rapport demande la constitution d’un financement approprié du fonds vert pour resserrer l’écart de financement et de ressources des priorités relatives au climat, à l’énergie et au développement de l’Afrique.

Xolisa Ngwadla, conseiller en politique climatique et négociations internationales- CP: Houmi Ahamed-Mikidache

La question du financement climat, soulevée depuis de nombreuses années, sera de plus en plus compliquée, précise Xolisa Ngadla lors de son intervention à Accra.

Le rapport  » Transition juste » préconise aux pays africains de faire attention aux marchés de compensation carbone dans lesquels les forêts et les terres émergées africaines doivent capturer et séquestrer du carbone. Ces actions, selon le rapport, permettent aux pays développés de justifier les émissions de CO2, et sont aussi sources d’écoblanchiment sous couvert de neutralité carbone. Plusieurs pays africains se positionnent dorénavant dans ce marché de carbone. Mais d’après les experts du rapport , le continent africain doit faire attention aux politiques énergétiques malavisées ainsi qu’aux politiques économiques présentées comme des solutions climatiques et énergétiques, telles que la monopolisation de l’agriculture par le secteur privé, le renforcement de l’extraction de combustibles fossiles pour des marchés d’exportation, les marchés de compensations carbone, les projets de géo-ingénierie de séquestration carbone, la bioénergie avec captage de carbone dans des zones étendues touchant les milieux ruraux où vivent les populations.

 

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