COP 27 : Malgré le compromis des interrogations demeurent

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Le Président de la COP 27, Sameh Shoukry/ Crédit Photo: Houmi Ahamed-Mikidache

48h00 après la fin officielle  marquée par 24h00 de concertations informelles sans interruption dirigées par la présidence égyptienne,  les négociations de la 27ème conférence des Nations Unies sur le changement  climatique tenues à Charm El Cheikh en Egypte ont abouti à un accord historique sur les pertes et préjudices  dimanche 20 novembre au petit matin. Mais le chemin pour atteindre les 1,5 degrés Celsius demandés par le GIEC ainsi que le financement prôné par l’accord de Paris est encore long. Explications

Par Houmi Ahamed-Mikidache

Comme à l’accoutumée, les négociations de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique ont joué les prolongations. La rencontre des négociateurs s’est poursuivie du vendredi 18 au dimanche 20 novembre  à Charm El Cheikh en Egypte. Assimilée aux négociations de l’accord de Paris, la COP 27 avait des allures de déjà vu. La Présidence égyptienne se serait fortement inspirée des procédés de consultation de la présidence française de la COP 21. Résultat : un accord historique sur le financement des pertes et préjudices ( les dommages causés par le changement climatique),  a été approuvé par l’ensemble des états, soit plus de 190 pays. Mais est-ce une victoire ?  « Ce résultat nous fait progresser : nous avons déterminé une voie à suivre dans le cadre d’une conversation de plusieurs décennies sur le financement des pertes et des préjudices,  a déclaré Simon Stiell, Secrétaire exécutif des Nations Unies pour les changements climatiques, ancien Ministre de la Grenade, un état insulaire des Caraïbes. Pour le président de la COP 27, Sameh Shoukry, « les résultats des deux semaines de négociations révèlent que la diplomatie multilatérale fonctionne : nous demeurons engagés dans la lutte contre le changement climatique, malgré les difficultés et les défis de notre époque, les divergences de vues, le niveau d’ambition ou d’appréhension,» a-t-il précisé lors de la clôture des négociations dimanche.

Un pas en avant, un autre en arrière

Dans quel contexte se sont déroulées ces négociations ? L’action climatique est dans une situation critique depuis une décennie, rappelle le secrétaire exécutif de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique. Un rapport sévère de l’ONU intitulé « Climate Plans Remain Insufficient: More Ambitious Action Needed Now (Les plans climatiques restent insuffisants : des mesures plus ambitieuses s’imposent maintenant) »  publié fin octobre, confirme ses remarques. Pour les experts de l’ONU,  le chemin est encore long pour parvenir aux objectifs de réduction de gaz à effet de serre demandés par la science soulignés dans l’Accord de Paris.  D’après ce rapport, la mise en œuvre des engagements actuels des gouvernements nationaux ne permet pas d’atteindre l’ambition demandée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU ( GIEC)  qui  indique que les émissions de gaz à effet de serre doivent diminuer de 45 % d’ici 2030 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.

Pourtant, la 27ème conférence des Nations Unies sur le changement climatique fut marquée par des discussions et de  nombreux échanges informels  et d’événements parallèles mettant  en avant les solutions au changement climatique.  Pour la société civile, certaines de ces solutions étaient des fausses solutions. « À Charm, ils ont encouragé l’utilisation d’énergies fossiles avec quelques mesures d’ « abattements », ouvrant essentiellement la porte à d’autres fausses solutions, » s’est offusqué Nnimmo Bassey, directeur de  Health of Mother Earth Foundation ( HOMEF)  au Nigeria et coordinateur de Oilwatch International. Et de poursuivre : « il est honteux que la dette climatique ne soit pas encore dans les négociations. »

 Que dit le Plan de mise en œuvre de Charm el-Cheikh ?

De sérieuses préoccupations ont été exprimées lors des négociations notamment celles sur le financement,  L’objectif des pays développés de mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 pour les pays en développement  n’a pas été atteint.  Cette affirmation est mentionnée  dans le Plan de mise en œuvre  de Charm El Cheikh ,  approuvé à l’unanimité par l’ensemble des Etats de la Convention Cadre des Nations Unies. Cette dernière invite  les Etats développés à payer cette dette. «  Il est décevant de constater que les pays développés n’ont toujours pas tenu leur promesse vieille de dix ans de fournir annuellement 100 milliards de dollars de financements pour le climat : cela fait maintenant trois ans que nous nous attendions à recevoir ces sommes, » déplore le groupe des Pays les Moins Avancés. Dans le texte de Charm El Cheikh, les banques multilatérales de développement ainsi que les institutions financières internationales sont appelées à mobiliser le financement climatique.  À la COP27, les délibérations se sont poursuivies sur l’établissement d’un « nouvel objectif quantifié collectif sur le financement climatique » en 2024, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement.

Le Plan de mise en œuvre de Charm el-Cheikh  souligne qu’une transformation mondiale vers une économie à faibles émissions de carbone devrait nécessiter des investissements d’au moins 4 à 6 milliards de dollars par an. L’accès à ce  financement nécessitera une transformation rapide et complète du système financier et de ses structures et processus, en mobilisant les gouvernements, les banques centrales, les banques commerciales, les investisseurs institutionnels et d’autres acteurs financiers. « Je suis particulièrement heureuse de voir dans le texte tant d’éléments de l’initiative de Bridgetown dirigée et défendue par notre Premier ministre Mia Mottley : nous suivrons particulièrement le travail qui va se faire par la suite dans le cadre de la réforme des banques multilatérales, » a précisé la représentante de la Barbade lors de la session de clôture de la COP 27.

 Autre point relevé dans le  texte, les progrès en matière d’adaptation. Les gouvernements se sont  entendus sur la façon de progresser vers l’Objectif mondial sur l’adaptation, qui se terminera à la COP28 et éclairera le premier bilan mondial, améliorant la résilience des plus vulnérables. De nouveaux engagements, totalisant plus de 230 millions de dollars, ont été pris au Fonds pour l’adaptation à la COP27. Ces engagements, rappelle le texte, aideront de nombreuses communautés vulnérables à s’adapter aux changements climatiques grâce à des solutions d’adaptation concrètes. Toutefois, une question demeure pour certains techniciens des pays en développement.  Les annonces de financements se transformeront-elles en financements réels ? Lors de la COP 26, plusieurs pays dont les Etats-Unis se sont engagés à verser des millions au fonds d’adaptation. «  Aucun versement n’a été effectué à ce jour, a affirmé à Era Environnement  Washington Zakata, négociateur en chef du Zimbabwe, et membre du conseil d’administration du fonds d’adaptation. Interrogés  à plusieurs reprises par mail pour savoir si les 100 000 millions de dollars annoncés par les Etats-Unis, lors de la venue du président américain, Joe Biden, à Charm El Cheikh,  comprenaient les 50 millions annoncés l’an dernier à la COP 26, les négociateurs américains n’ont pas répondu à Era Environnement.  Par ailleurs, en parallèle des négociations, environ 40 millions de dollars venant des pays développés ont été annoncés pour financer  l’Initiative Africaine d’Adaptation, lancée à la COP 21 à Paris. En Egypte, le Président de la COP27, Sameh Shoukry, a présenté le programme d’adaptation de Charm el-Cheikh, renforçant la résilience des personnes vivant dans les communautés les plus vulnérables au climat d’ici 2030. Le Comité permanent des finances de l’ONU sur le changement climatique a été chargé de préparer un rapport sur le doublement du financement de l’adaptation pour examen à la COP28 l’année prochaine.

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