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COP 22- La Centrale Noor: Un exemple à Suivre

Située en plein désert du sud marocain, à 10 kilomètres de la province de Ouarzazate, la centrale solaire  Noor, d’une capacité de 160 mégawatts, est considérée actuellement par les experts comme la plus grande centrale solaire du monde. Même si récemment, Dubaï a annoncé son projet de construction de centrale solaire de plus de 1000 mégawatts. Analyse.

Par Houmi Ahamed-Mikidache

Comment s’intègre ce projet dans l’initiative pour l’accès à l’Energie en Afrique ?

Noor, signifiant lumière en arabe représente, pour les experts de la Banque Africaine de Développement, le symbole de la transformation de l’Afrique. Lancé en 2009, ce programme solaire a été inauguré au mois de février dernier par le roi, Mohamed VI.

Noor a ouvert la porte aux projets du « New Deal pour l’énergie en Afrique » présenté par le nouveau président de la Banque africaine de développement, M. Akinwumi Adesina pour transformer le secteur de l’énergie et permettre l’accès de l’électricité pour tous sur le continent.  Ce projet d’accès à l’Energie en Afrique a aussi été annoncé par le président Egyptien, Abdel Fattah Saïd Hussein pendant la COP 21. Et l’Accord de Paris en fait également mention.  Ainsi le Burkina Faso a récemment exposé son projet de construction de centrale solaire de 33 mégawatts qui pourrait couvrir tout le Sahel.

La construction de la Centrale Noor s’intègre la lutte contre le changement climatique et la stratégie énergétique 2010-2030  du Maroc. Le pourcentage des énergies renouvelables dans le mix énergétique passera de 34% à 42% d’ici 2020 pour atteindre 52% du mix en 2030.

Que représente Noor  ?

Noor, c’est  selon de nombreux experts et observateurs internationaux, un programme et des objectifs ambitieux. Quatre au total: diversifier les sources d’énergies, exploiter le soleil et le vent, puis développer l’efficacité énergétique dans le bâtiment et l’industrie et enfin intégrer l’électricité dans les marchés mondiaux avec des interconnexions.  Dans ce plan solaire, il y a 500 mégawatts de solaire thermodynamique. «  Le solaire thermodynamique n’est pas la source d’énergie solaire la plus répandue contrairement au photovoltaïque, mais c’est une énergie qui a fait ses preuves, notamment en Californie, installée depuis les 1980, »fait remarquer  Fabrice Jucquois, chef de projets Energie à l’Agence Française de Développement. Pour ce spécialiste de l’énergie, le thermodynamique est une énergie maîtrisée et peu développée et donc potentiellement en progrès avec une diminution de coût.

«  C’est intéressant, c’est une sorte de blending énergétique ( mélange énergétique) : la centrale thermodynamique ne fera que du stockage d’énergie pour une restitution de l’électricité la nuit. Tandis que le photovoltaïque produira le jour avec une énergie comme le photovoltaïque, utilisée aux Etats-Unis dont on sait que certaines méga-centrales  peuvent produire de l’électricité jusqu’à 5 centimes d’euros du kilowatt-heure. Le  coût moyenné est donc profitable » expose l’expert français.

Noor ce n’est pas uniquement la création d’ énergies renouvelables, mais c’est aussi un catalyseur d’emplois pour une des régions les plus défavorisées du Maroc, décrit un film institutionnel sur la centrale ( voir lien ci-dessous). L’exploitation de Noor Ouarzazate sur le site de Tamzartine Zerki appartenant à la collectivité Aït Ougrour Toundoute permet la création d’emplois directs et indirects,en moyenne plus de 500 emplois (dont 42 % détenus par les travailleurs locaux) pendant les 12 mois de travaux. «  Pendant 25 ans, Noor Ouarzazate devrait créer plus de 1000 emplois directs et 1000 emplois indirects, » indique le film. Le projet comporte également un important volet en faveur des femmes pour renforcer leur intégration socio-économique dans la région et ainsi, favoriser leur employabilité, à travers l’artisanat notamment. Ce projet impulse le développement d’une filière industrielle de la fabrication des équipements d’une centrale solaire, d’après des experts de la Banque Africaine de Développement.

Quel est le contexte de développement de la centrale Noor ?

« Avant l’arrivée de la centrale Noor, le Maroc devait faire face à la variation de son économie, au déficit de sa balance commerciale et devait vérifier la fluctuation des cours du pétrole, puisqu’il dépendait des énergies fossiles [à 98%], » explique M. Jucquois.

Selon la Banque Africaine de Développement, le Maroc est le plus grand importateur d’énergies fossiles au Moyen Orient, et dans la région nord africaine ( voir film ci-dessous).

Mais comment maîtriser les ressources énergétiques aux Maroc ? Par le développement d’une filière industrielle permettant au royaume de maîtriser l’énergie solaire, « abondante et de bonne qualité dans ce pays », précise-t-il. En 2015, selon lui, le Maroc utilisait 2% de solaire, 10% d’éolien et 22% d’hydraulique. Résultats attendus pour les experts jusqu’en 2020 : 2000 mégawatts de solaire , 2000 mégawatts d’hydraulique, 2000 mégawatts d’éolien à développer.

Comment la turbine à gaz  de Noor fonctionne ?

La production de chaleur cumulée dans la journée permet à la turbine à gaz de fonctionner toutes les nuits. « D’après le patron de l’agence solaire nationale Masen, la durée de stockage actuelle d’énergie sur le site de Ouarzazate est de 7 heures, pas très loin des 12h00[à atteindre], elle permet d’assurer la totalité des services électriques toute la journée, » rapporte l’expert de l’AFD.

Comment s’articule ce projet ?

De nombreuses institutions financières, dont la Banque Africaine de Développement (BAD), avec les fonds d’investissement climatiques, mais aussi l’Agence Française de Développement ( AFD), ont participé au montage financier du projet. Le développement du complexe solaire de Ouarzazate s’articule autour d’un partenariat public-privé (PPP). Pour l’ensemble du projet, le groupe de la BAD a apporté 200 millions d’euros sur ses ressources propres et 165 millions via les Fonds d’Investissement climatiques.

L’Agence Française de Développement soutient ce projet de construction depuis cinq ans.  L’AFD soutient ce programme via un financement de 100 millions d’euros pour la première phase et 50 millions d’euros pour la troisième tranche.

« Sur la 2ème tranche de Noor en construction qui dispose des 7 heures de stockage, on arrive à 12 centimes d’euros du heure, un tarif garanti pendant 28 ans ( négocié par le Maroc) : si on met ça en en rapport avec les 11,6 centimes d’euro du kilowatt-heure de l’EPR ((Réacteur Pressurisé Européen) en Angleterre, on voit qu’on est plus très loin finalement de la pleine compétitivité des énergies renouvelables, » indique l’expert de l’AFD. Et d’ajouter:« A travers, le montage public-privé choisi, Masen a accès via son statut d’agence nationale à des ressources venant de bailleurs de fonds internationaux comme l’AFD et donc a un coût de l’argent assez bas. » Les 12 centimes d’euros obtenus sont donc le résultat d’un montage financier mûrement réfléchi, selon le spécialiste français de l’énergie.

La Banque Africaine de Développement participe à la phase 2 et 3 du projet Noor : 435 millions de dollars à taux concessionnel ont été octroyés par le fonds des technologies propres relevant des fonds d’investissement climatiques, par le biais de la BAD et de la Banque Mondiale.La représentation marocaine de la BAD a agi comme intermédiaire entre le gouvernement marocain et les partenaires techniques et financiers. Le montage financier public-privé de la construction de la centrale marocaine est avantageux pour les institutions internationales et pour Masen, selon Fabrice Jucquois.

Les perspectives

Les différentes phases de construction de la centrale Noor permettent aux entreprises , françaises, allemandes et autres de développer des pôles de compétences et d’échanges et devraient  faciliter les transferts de technologies entre le Maroc et d’autres pays d’Afrique. Ces démarches font spécialement suite aux engagements pris à  Paris lors de la Conférence de l’ONU sur le climat au mois de décembre dernier. Le Maroc accueillera au mois de novembre prochain le rendez-vous annuel des Nations Unies sur le climat: 16  ans après l’avoir organisé dans la ville rouge à Marrakech.  La Centrale Noor est donc un exemple à suivre.

 

COP 22: La Centrale Noor: Un exemple à Suivre

 

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