Changement climatique : ce qu’attendent désormais les Africains

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le_point_afriquehoumiL’accord « historique » de la COP21 n’a pas totalement comblé les Africains. Ils se projettent vers la COP22 au Maroc avec bien des questions. Récit.

Par Houmi Ahamed-Mikidache

(Le Point Afrique)

L’accord sur le climat signé à Paris le 12 décembre pose un cadre encourageant quant à l’avenir de la gestion des problèmes liés au changement climatique. Aussi, Hakima El Haite, ministre de l’Environnement du Maroc, hôte de la COP22 à Marrakech, indique-t-elle que la conférence prévue du 7 au 18 novembre 2016 sera celle de la mise en œuvre des éléments et des décisions de l’accord de Paris. Plusieurs questions devront déjà voir des mesures concrètes les accompagner. Ainsi de l’adaptation cristallisée dans les mesures techniques adoptées pour faire face aux changements climatiques et prévenir les impacts négatifs du réchauffement planétaire. Il en est de même de l’atténuation, autour des dispositions pour réduire le gaz à effet de serre. C’est notamment tout ce qui concerne les énergies renouvelables. Idem pour le transfert de technologies qui se comprend aisément, mais aussi pour le renforcement des capacités qui consiste dans les ateliers de formation organisés en faveur des pays en développement pour une meilleure expertise dans les énergies durables. Il y a aussi la transparence qui concerne une identification claire des mesures de soutien technique aux pays en voie de développement, et enfin le financement.

Tout faire pour gagner ensemble

« Il s’agira de poursuivre la dynamique enclenchée par les contributions nationales, renforcer la mobilisation de tous les acteurs étatiques et non étatiques, capitaliser sur la dynamique par le plan d’action Lima-Paris et enfin accélérer la mise en œuvre des décisions pour la période pré-2020 », indique la ministre déléguée, chargée de l’Environnement du Maroc, Hakima El Haité. Pour un négociateur africain sous le couvert de l’anonymat, la conférence des Nations unies sur le climat au Maroc ne sera pas facile, mais pas difficile non plus. « Le plus dur, c’était Paris. Cela sera une phase décisionnelle dans laquelle seront entre autres explorées les voies de mise en œuvre des questions d’adaptation qui ont été approuvées à Paris », affirme-t-il. Mais, « ce qui peut faire la différence, c’est l’altruisme », selon Tosi Mpanu Mpanu, négociateur en chef de la RDC, prochain président des Pays les moins avancés. « Il faut vraiment comprendre qu’il faut travailler ensemble, main dans la main, pour sauver les générations futures. Personne n’est gagnant, mais personne n’est perdant. On gagne tous collectivement », affirme-t-il. Depuis un an, selon la conseillère des Pays les moins avancées, Sandra Freitas, le Groupe Afrique et le groupe 77 + Chine se coordonnent pour avoir une position commune afin d’aborder les mêmes problématiques. Parce qu’ils partagent souvent les mêmes interrogations. Mais selon la même source anonyme, ce n’est pas évident. « L’Afrique compte 54 pays, des pays désertiques, des pays à revenus intermédiaires, des pays dits les moins avancés, des pays émergents, l’Afrique du Sud, et j’en passe, mais on se dit que nous sommes un continent en développement. Et il faut, pour la population, mettre en œuvre des politiques », finit-il par dire.

Quid des pertes et préjudices ?

Parmi les questions sur lesquelles les pays africains ont des attentes, il y a celles des pertes et préjudices. Séparée de la notion de l’adaptation dans l’Accord de Paris, celle-ci est de celle que les petits États insulaires en développement, comme l’Union des Comores, ont saluée. Il faut dire que ces dernières années, ils ont plutôt vécu des inondations récurrentes. Leur interrogation se cristallise cependant sur le fait que, selon des experts juridiques, la notion de responsabilité n’ayant pas été intégrée à l’Accord de Paris, ils pourraient pâtir au niveau du financement des pertes et préjudices. Mais ce n’est pas pour cela qu’on s’en laisse compter. Ainsi, Ismael Bachirou, directeur de l’environnement et des forêts des Comores, membre à la fois des pays les moins avancés et du groupe 77 + Chine, dit simplement que « l’important, c’était de marquer les esprits. Le reste suivra. On en discutera dans les prochaines réunions ».

L’écueil de la « vulnérabilité » pour l’Afrique

Autre question bien délicate : celle de la vulnérabilité. Le Nigeria et l’Égypte n’ont pas manqué de soulever que, dans l’Accord de Paris, la dimension vulnérabilité de l’Afrique n’a pas été mentionnée. Leurs ministres représentants l’ont d’autant plus remarqué que cette notion a bien été indiquée pour les Pays les moins avancés et pour les petits États insulaires en développement. Explication de ce deux poids, deux mesures : les pays en transition et l’Amérique Latine, du groupe 77 + Chine, se seraient opposés à ce que la notion de vulnérabilité soit associée à l’Afrique pour éviter que cette notion soit également prise en compte pour les autres pays du G77 + Chine qui n’auraient pas manqué de le demander. Mais le dernier mot n’est pas dit sur cette question. En effet, le ministre égyptien Khaled Fahmi a demandé publiquement une audience informelle dans les mois à venir à Laurent Fabius, président français de la COP21, afin de discuter de l’intégration du terme « vulnérabilité » pour l’Afrique dans les décisions prochaines.

Clarifier le mode de mobilisation du financement

Pour le groupe 77 + Chine, l’accord est juste, mais il souhaite entre autres que la mise en œuvre à partir de 2020 soit plus claire et qu’il y ait plus de précisions sur le financement à long terme », a précisé Edna Molewa, ministre de l’Environnement de l’Afrique du Sud, lors de l’approbation de l’Accord de Paris. « Je trouve que l’accord est juste, équitable et inclusif. Cependant, je pense qu’on ne s’est pas penché sur la mise en œuvre. Concernant le financement, il n’y a aucune précision dans le texte qui explique comment seront mobilisés ces 100 milliards par an à partir de 2020. De plus, ces 100 milliards sont inscrits dans la décision et non dans l’accord. Ce financement peut être refusé par les pays développés. Mais nous espérons que cela sera révisé ultérieurement », explique Hadjijatou Jallow, point focal du changement climatique pour la Sierra Leone. Autre point : le mécanisme de marché. La question a été mise en avant par le Sénégal en la personne de son représentant, représenté par le ministre de l’Environnement, Abdoulaye Balde, il est important « d’approfondir les questions liées au mécanisme de marché et de mettre en place des outils appropriés ». À noter que le mécanisme de marché doit permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, il existe des divergences de points de vue entre pays développés et en développement.

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