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Au Bénin, les pêcheurs sont désorientés. Dans certaines localités, cette activité professionnelle n’est plus la principale source de revenus. Reportage.

Par Hippolyte AGOSSOU

24 août 2017

La pêche, source importante de devise, contribue au Produit Intérieur Brut (PIB) du Benin. D’après le dernier rapport de l’OCDE sur les perspectives de développement en Afrique, le secteur agricole dont la pêche représentait 23,5 pourcent du PIB du Bénin en 2016. En 2011, ce secteur représentait 25,6  pourcent du PIB. Principal raison de cette baisse : les changements climatiques. D’après la FAO, l’Afrique  fait partie des régions les plus vulnérables aux changements climatiques. L’Afrique, faible émetteur d’émission de gaz à effet de serre, est victime du réchauffement planétaire. Ces changements climatiques affectent la pêche et peuvent laisser craindre de potentielles crises de sécurité alimentaire. Au Bénin, la pêche génère près de 600 000 emplois direct et indirect au plan national, selon Eugène Dessouassi de la direction de pêches. Plusieurs familles vivent donc de ce secteur.

La pénurie

Ces dernières années, les ressources naturelles du Benin sont victimes des grandes mutations liées aux changements climatiques. Le réchauffement planétaire bouleverse les habitudes des professionnels du secteur agricole dont la pêche. Les pêcheurs ne vivent plus véritablement de leur activité.

« Tout a changé : après six heures passées au large, la moisson est vraiment maigre, » témoigne Ayo*, un pêcheur d’une cinquantaine d’années  au port de pêche de Cotonou, la capitale économique du Bénin. Et de poursuivre : « Il y a vingt voire trente ans, il fallait juste se concentrer au large pendant deux heures et trente minutes et on avait des poissons à la sortie, mais aujourd’hui, c’est différent, il n’y a plus rien »précise-t-il en descendant de sa barque. Le poisson se fait rare à Cotonou et les recettes des pêcheurs le sont aussi.

Trois autres hommes viennent d’accoster. Quelques minutes plus tard, c’est la panique : nombreuses sont les personnes à se disputer le rendement peu productif des pêcheurs. Ce n’est pas facile. D’année en année, ils se retrouvent face à une pénurie de plus en plus prononcée et sont  incapables de satisfaire leur clientèle. Le ton monte, la clientèle habituelle ne veut pas partir sans rien obtenir. Finalement, les fidèles sont servis.

« Avant, nos prises atteignaient quinze tonnes et plus par jour, mais aujourd’hui revenir avec une tonne de poisson est un véritable parcours de combattant, » assure Agla, le président de la coopérative de pêcheurs. Les écailleuses souffrent elles aussi de cette pénurie de poissons. « Quand j’ai commencé à travailler ici, j’étais très jeune mais chaque soir je rentrais avec un minimum de seize milles franc CFA [25 euros], mais maintenant le maximum que je gagne par jour est trois milles francs CFA [environ 5 euros],  » explique avec désespoir Ayilo Mariette, une femme expérimentée. Cette forme de pêche représente pourtant 90 pourcent de capture en mer avec une contribution nationale de 18.9 pourcent de la production halieutique nationale, d’après les données gouvernementales.

Tounga : en perte de vitesse

Située à environ 750 kilomètres de Cotonou, Tounga, à la frontière entre le Bénin et le Niger,  est une localité de la commune de Malanville reconnue comme  zone de pêcheurs, une zone de pêcheurs qui n’a plus de bonne renommée : la pêche n’est plus abondante.

« A cette période de l’année, je suis sur le fleuve Niger occupé à pêcher, mais maintenant ce n’est plus pareil parce, il n’y a rien à attraper : J’ai vendu une de mes volailles au marché pour la gestion du quotidien familial, affirme Kossi Ahingbo, 49 ans,  père de famille vivant près du fleuve. Et d’ajouter : « Depuis des années, on remarque que les eaux ne sont plus profondes : cela ne favorise pas la multiplication des poissons.  De fait, d’autres activités génératrices de revenus sont venues remplacer la pêche. S’adonner à cette activité est devenu un loisir, une passion. «La pêche n’est plus vraiment notre activité principale ici : elle ne  nourrit plus,», fait remarquer Dagbonon Bernard, un homme d’une quarantaine d’année environ.

L’attente

La rareté des stocks de poissons ne laisse pas indifférente la population. La société civile s’implique également et essaye de trouver des solutions alternatives. En 2013, le réseau JVE Bénin a organisé un atelier autour du thème « impact du changement climatique sur la pêche ». Au cours de cet atelier, tous les acteurs du secteur halieutique ont réfléchi sur les actions parallèles et les mesures d’adaptation.

D’ importantes mesures d’adaptation aux conséquences des changements climatiques sur les stocks de poissons et leur répartition géographique sont attendues pour  appuyer les acteurs et les structures d’appui pour faire face à ces effets des changements climatiques. Les pêcheurs, eux, sont en attente.

Le dernier rapport de l’OCDE sur les perspectives de développement en Afrique rappelle que le gouvernement béninois a ratifié l’Accord de Paris et a procédé à l’élaboration du plan national d’adaptation aux changements climatiques. Il a ainsi adopté une Stratégie de développement à faible intensité de carbone et résilient aux changements climatiques pour la période 2021-30. Mais, le Bénin requiert 30 milliards de dollars à la communauté internationale pour financer ses actions.

Né à Malanville au Bénin en 1985, Hippolyte AGOSSOU est un  journaliste-géographe, spécialiste des questions d’environnement. Journaliste à E-télé, une chaîne de télévision commerciale du nord Bénin, il est aussi  assistant de recherche au laboratoire d’aménagement des forêts et de biogéographie a l’Université d’Abomey calavi. Hippolyte est basé à Parakou, la plus grande ville du nord du Bénin. En 2015, il  a participé au concours de reportage du PNUD Voice2Paris lors de la COP 21. Il bénéficie depuis un an et demi  d’une formation à distance, dispensée par Eraenvironnement.com.
Born in Malanville in Benin in 1985, Hippolyte Agossou is a journalist geographer, with a specialization in environment. He is working for the Benin commercial  TV E-Tele.  He is a research assistant  at the forest management and biogeography of the University of Abomey Calavi. Hippolyte is based in Parakou, the largest city of northern Benin.  In 2015, he was part of the climate change contest reporting Voice2Paris organized by the UNDP   ahead of COP 21. He is one of the online  trainees of Eraenvironnement.com.

*le prénom a été modifié

 

 

 

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