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Situé à environ 110 Km de Cotonou, Agoué se bat contre l’érosion côtière. La ville fait partie des arrondissements de Grand-Popo, une des communes côtières du sud-ouest du Bénin, à proximité de la frontière togolaise. Agoué est l’une des villes les plus peuplées de Grand-Popo.

Reportage

 Par Hippolyte Agossou

Agoué sous l’eau

Les vagues vont et viennent. Elles génèrent inquiétudes et désarroi dans la ville d’ Agoué, l’un des plus grands et plus peuplés arrondissements de la commune de Grand-Popo, située à 110 km de Cotonou, près du Togo. A Agoué, difficile de ne pas entendre le bruit des vagues. Aucun logis n’est épargné par la mer. Les habitants de la localité vivent quotidiennement un calvaire indescriptible. Tout ce qui leur est cher et précieux a été emporté par les flots des vagues incontrôlables. Une partie de la population est animée par la peur et le doute. Plusieurs maisons n’ont pas résisté aux vagues brutales. Elles ont été toutes englouties par la montée des eaux. Les couches de vents violents et dévastateurs  n’ont eu aucune pitié pour les maisons de Haut de gammes.  La mer indomptable déstabilise les citoyens d’Agoué, sinistrés.

Maison envahie par la Mer à Agoué ( Bénin)
Credit Photo: Hippolyte Agossou
Maison envahie par la Mer à Agoué-Crédit Photo: Hippolyte Agossou

Les victimes ou témoins oculaires du drame

L’élévation du niveau de la mer est réelle. L’océan dans cet arrondissement se retrouve à peine à 90 m des logements.  » A chaque fois, je sens l’eau débordée sur mon lit, » explique un habitant. « En avançant, la mer détruit tout sur son passage », explique un autre riverain. L’année 2021, une période noire dans la vie des populations d’Agoué. Des habitations de hauts standings ont disparu en grand nombre. Les maisons de fortune, elles, ont cédé sous l’effet de vents violents produits par la trajectoire des vagues . « C’est désormais un cercle vicieux, avec une rétrospection qui dessine les faits », indique Rosine Romao, première autorité de l’arrondissement d’Agoué. « Le mois de juillet était pire que tout, on dirait que l’océan agit de façon périodique pour nous traumatiser en nous rafraichissant la mémoire, » ajoute-t-elle. Mais, Novembre n’est pas en reste. » On s’est remis difficilement de juillet et on a dû faire face à novembre, les citoyens ont vu leurs abris se détruire sous le coup des vagues sans pouvoir agir, » explique la représentante de l’arrondissement. Envahie par la tristesse, elle arrive à peine à terminer ses phrases.

Maison de fortune sous l’eau à Agoué – Crédit Photo: Hippolyte Agossou

 « Lors de la dernière rencontre avec le préfet lors de sa tournée statutaire, les échanges ont tourné autour de perspectives pour faire face efficacement à l’érosion côtière, c’est devenu une lutte sans fin depuis au moins dix ans, nous nous déplaçons pensant fuir l’avancée de la mer mais elle ne cesse aussi de nous suivre à grand pas, » décrit Mathias Djadao un quinquagénaire membre du comité des sages de la commune de Grand Popo.  Fruit des activités humaines et naturelles, l’érosion côtière entretien un rapport étroit avec les changements climatiques. La hausse du niveau de la mer est l’une des manifestations de l’érosion côtière. Les baies lagunaires entre temps connues pour des lieux de contact avec l’air frais et naturel sont de nos jours dominées par la chaleur à outrance.

« Le Bénin perd chaque année près de 4 mètres de rivage sur 65% de ses côtes »

Maison détruite à Agoué- Crédit Photo: Hippolyte Agossou

L’alerte est donc désormais au rouge, l’érosion fait quotidiennement des victimes qui sont chaque fois sous le qui-vive. « Mais il est important de ne pas attendre le pire avant d’agir surtout que les mois à venir réservent à coup sûr des surprises désagréables, » prévient Martin, un jeune étudiant originaire d’’Agoué qui a abandonné les cours à l’Université d’Abomey-Calavi pour aller secourir ses parents. Agoué est une zone sous influence , à la fois de l’érosion maritime et fluviale et dans une certaine mesure de l’érosion éolienne. La vitesse du vent pendant le mois d’Août atteint le plus souvent 20 m/s soit 72 km/h et en absence de tout palétuvier, le mal est fait. Les conséquences de cette avancée deviendront plus catastrophiques et dramatiques. Selon une étude menée dans quatre pays côtiers par la banque mondiale publiée en mars 2019, le Bénin perd chaque année près de 4 mètres de rivage sur 65% de ses côtes . Face à cette situation, le gouvernement béninois a pris des mesures urgentes :  le reprofilage de la route située sur la bande de terre d’Akoutagbo entre les villages Houssoukouè et Avlo, une voie menacée de part et d’autre par l’avancée de l’Océan Atlantique et du fleuve Mono, au sud du Bénin. Mais ces actions ne rassurent guerre les riverains et les populations de Grand-Popo.  En effet, procéder juste à un reprofilage de la route sans penser à l’érosion qui s’observe déjà au niveau de la bordure, du côté du fleuve est une action vaine. Plusieurs chercheurs s’interrogent sur la nécessité de la construction des épis à Avlékété et réaffirment qu’il est nécessaire d’agir à Grand-Popo et de rénover le port de Lomé, capital du Togo voisin. Mais, à en croire le point focal du Programme de Gestion du Littoral Ouest-Africaine (WACA),Kossi Rodrigue DJOSSOU, fonctionnaire à la Mairie de Grand-Popo, le projet Waca va sans doute atténuer le calvaire des populations. » Le contrat vient d’être signé par le ministre, mais je n’ai aucune idée de la période de démarrage des travaux, cela ne devrait pas être long, » soutient-il.

Le programme WACA, une lueur d’espoir pour les populations ?

Sur le site internet du programme WACA, il est indiqué que l’initiative est une réponse multi-pays et régionale visant à soutenir le renforcement de la résilience des communautés et des ressources côtières dans 17 pays d’Afrique occidentale particulièrement vulnérables à l’érosion, aux inondations et à la pollution. Au Bénin, le plan d’investissement multisectoriel du WACA  décrit les besoins d’investissement spécifiques en matière de protection côtière, d’infrastructure et d’entretien. Il a pour objectif de promouvoir diverses mesures de lutte contre l’érosion côtière. Ce projet contribuera à réduire les inondations en restaurant les lagunes et les systèmes de drainage et en améliorant la gestion des bassins versants. Les travaux entrant dans le cadre de ce projet interviendront sur des sites prioritaires tels que Grand-Popo. « Les études pour concevoir et construire des infrastructures de protection côtière à long terme ont été réalisées, » explique le point focal WACA. Et de poursuivre:  » A travers le programme Waca, 8 épis seront construits entre Hilla-Condji et louis condji, compte tenu de leur position stratégique pour contrer la force des vagues: Il y aura aussi un moteur de sable sur 4 km de la fin du dernier épi vers le Collège d’Enseignement Général  d’Agoué ». D’après le fonctionnaire, le contrat vient d’être signé et actuellement les travaux de vérification des résultats sont en cours. Toujours selon le fonctionnaire Djossou, un comité technique de réinstallation est mis en place par le Ministère du Cadre de Vie et du Développement Durable et un comité interministériel pour l’indemnisation des Populations est déjà fonctionnel à la suite du décret pris à cet effet. Le programme WACA envisage aussi de restaurer le bassin du fleuve Mono, par une combinaison de dragage des lagunes pour l’entretien, la stabilisation , le revêtement et la revégétalisation des berges. Les communautés voisines du site d’Avlo pourraient être rassurées: le risque d’érosion causé par la rivière sera réduit grâce à l’ouverture régulière de la Bouche du Roy, l’embouchure du fleuve Mono.

Lire aussi https://www.eraenvironnement.com/benin-erosion-cotiere-la-population-en-alerte-8758-face-aux-promesses/

A propos d’Hippolyte Agossou

Hippolyte Agossou a commencé a collaboré avec ERA ENVIRONNEMENT en 2016. Journaliste au Bénin, il est actuellement basé à Parakou où il exerce en tant que freelance. Il a obtenu plusieurs prix dont celui du  concours de reportage #Voices2Paris du PNUD 
, le Prix du Programme National de Lutte contre la Tuberculose ( PNT/MS) ainsi que celui de la « FONDATION GNIDEHOUE » Presse en ligne « Ecolo Award ». Hippolyte Agossou est Doctorant (EDSAE/UP)Monitoring et Conservation de la Biodiversité (MCB).

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