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COP 22: Vers de nouvelles perspectives de développement durable

Sans déroger « aux règles de  négociations » sur le climat, la COP 22 s’est terminée par deux longues soirées intenses avec au bout « un consensus » , un programme et plusieurs interrogations . Analyse- 19 Novembre 2016.

Par Houmi Ahamed-Mikidache

Les engagements

Sans déroger « aux règles de  négociations » sur le climat, la COP 22 s’est terminée par deux longue soirées intenses se terminant vers deux du matin.  Toutefois, c’est dans un esprit courtois et de cohésion que ce sont déroulées pendant deux semaines les discussions intenses, a souligné  le président de la COP et ministre des affaires étrangères, Salaheddine Mezouar.proclamations

L’enjeu était de taille : la mise en œuvre de l’accord de Paris.  Annonces  remarquées : l’Initiative du Maroc pour l’eau en Afrique , l’initiative d’accès à l’énergie des Pays les Moins Avancés, le financement de l’Initiative d’Accès à l’Energie en Afrique,   l’initiative Africaine pour l’Agriculture,  les 10 000 engagements financiers des dirigeants d’entreprises, soit plus de  8 trillions de dollars pour  réduire les émissions de CO2 , la fermeture des frontières des forêts par la Colombie pour lutter contre les conflits, l’ engagement  des villes   pour réduire les émissions de CO2  de 1 gigatonne par an d’ici 2030, le programme de soutien résilient au climat des économies des océans en Afrique par  la FAO, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement  , la volonté de réduction  de 7 gigatonnes à 3,1 tonnes d’ici 2030 par les transports, la signature des 130 maires du monde pour un système alimentaire durable pour les villes par l’agriculture.  Autres initiatives :  la présentation d’un outil d’évaluation  sur la résilience qui permettra notamment d’établir des rapports qualitatifs normalisés à  la Convention mondiale des maires sur les engagements relatifs à l’adaptation. Autre avancées : mise en place d’un nouveau cadre quinquennal au sein du Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et préjudices et assistance technique et financière (baptisée African Package for Climate-Resilient Ocean Economies) pour soutenir les économies vivant de l’océan en Afrique et renforcer la résilience au changement climatique des zones côtières par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD). Les partenaires de la COP22 pour l’action sur les océans ont publié une feuille de route stratégique pour des mesures en faveur des océans et du climat de 2016 à 2021, qui propose une vision de l’action sur les océans et le climat au cours des cinq prochaines années pour six océans.  Autres engagements : la création d’un fonds de 500 millions de dollars,  » l’investissement de Marrakech pour l’adaptation », le fonds vert pour les femmes crée notamment  par l’acteur Léonardo Di Caprio et  l’émergence d’une finance verte en Afrique. 19 autorités et échanges de marchés de capitaux africains, représentant 26 pays africains, ont signé et approuvé l’Engagement de Marrakech pour l’encouragement des marchés de capitaux verts en Afrique.

L’action

The Champions
Hakima El Haite et Laurence Tubiana Crédit Photo: UNFCCC

Après Paris, présentée comme  la COP de la décision,  Marrakech s’est présentée comme la COP de l’action. Grande Nouveauté issue de la décision de l’accord de Paris : l’intervention pendant un an des championnes  de haut niveau  pour le Climat : la Ministre de l’environnement du Maroc  Hakima El Haité et Laurence Tubiana, négociatrice en chef française. Objectifs : encourager les initiatives individuelles et collectives et faciliter les échanges entre les acteurs non-étatiques et étatiques.

«  Nous avons trouvé des partenaires engagés et  coopératifs : ces partenaires nous prouvent aujourd’hui par leurs réalisations, par leurs plans d’action que l’élan d’une transition  vers un avenir sobre en carbone et vers une civilisation résiliente est irréversible, , » a déclaré Mme El Haité lors du Segment de Haut Niveau sur l’accélération de l’action.

Plus de 5000 personnes dans le monde se sont retrouvées dans la ville ocre. De nombreux événements à thèmes ont eu lieu en marge des négociations avec la présence significative notamment  de négociateurs, de ministres, de chefs d’Etat et d’acteurs non étatiques.

Un jour avant la fin de la COP 22 , les championnes ont ainsi lancé le  partenariat de Marrakech pour l’action globale pour le climat, une action initiée à partir du Sommet organisé en 2014 à Lima par le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki Moon, et suivie à Paris  à travers l’agenda de l’action Lima-Paris.

«  Ce partenariat de Marrakech pour l’action globale ne nous appartient pas, il appartient à tous : c’est un espace  de renforcement des ambitions et de collaboration qui comble les fossés, » a  expliqué Mme Tubiana qui a annoncé ne pas  poursuivre  sa carrière de négociatrice ainsi que ses actions au sein de la Convention sur le Climat à l’issue de la COP. Le partenariat de Marrakech couvrira les questions liées à l’utilisation des terres (agriculture, forêt…),  à  l’eau, aux zones côtières, à l’établissement humain, à  l’énergie, aux transports et à l’industrie.  Il appuiera l’action climatique par les Parties et les parties prenantes non Parties au cours de la période 2017-2020.

A Marrakech, tous les négociateurs saluent unanimement  les avancées de  l’action des championnes et le travail des Parties. «  A Marrakech nous avons fait de nombreux progrès notamment dans les questions liées au genre et changements climatiques, le transfert de technologies et développement et le renforcement des capacités, » indique le négociateur en chef de la République Démocratique du Congo, et président du Groupe des Pays les Moins Avancés, Tosi Mpanu Mpanu.

Quid du financement

Mais, le financement climat destiné aux pays en développement a été au cœur des négociations pendant ces deux semaines. Autre problématique : l’ambition et la révision des plans nationaux.  Conditionnés. La plupart des plans nationaux africains sont en attente de financement, même si d’après le président du Groupe des Négociateurs  Africains , Seyni Nafo,  la réponse climatique vient actuellement des Etats Africains et de leur budget.

A Marrakech, des solutions ont été apportées sur cette question: la coalition de pays en développement et développés et d’institutions internationales qui collaborent dans le but de s’assurer que les pays reçoivent le soutien technique et financier pour la mise en œuvre de leur plan d’action national.

De nombreuses actions ont été mis en avant par les présidents africains lors du segment de Haut Niveau et lors du Sommet Africain pour l’Action. Ils se sont même prononcés sur la nécessité d’un équilibre sur le financement de l’adaptation et de l’atténuation lors de la réunion de haut niveau sur le financement climat (demande du président de la Zambie, Edgar Lungu). Mais, la réflexion sur l’ équité entre le financement de l’adaptation et de l’atténuation reste en suspend et pose question sur le financement climat, selon la société civile. D’après Tracy Carty d’ Oxfam Angleterre, il n’existe pas à ce jour, de procédure commune permettant de comptabiliser le financement climat, la notion des prêts notamment n’est pas évaluée de la même manière en fonction des pays.

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Tosi Mpanu Mpanu Crédit Photo: IISD

Pour  M.Mpanu Mpanu , il est important  de mobiliser  des financements publics pour  des activités d’adaptation.«  Nous demandons aux pays développés d’augmenter  le fonds d’adaptation pour les pays en les moins avancés, un fonds qui continue à être sous alimenté, » souligne-t-il.  Le fonds d’adaptation est né en 2001 à Marrakech sous le protocole de Kyoto.*

Qu’en pense l’Angleterre qui vient de ratifier l’accord de Paris ?

« Nous avons entendu le message clair demandé par les pays en développement : la demande d’une feuille route de financement  avec une méthodologie solide, avec des engagements sur le financement public, et nous avons entendu la demande concernant l’adaptation et un accès facile au financement ,  les inquiétudes des petits états insulaires qui se sentent déconnectés, »  a expliqué  Nicholas Richard Hurd, ministre anglais de l’énergie, lors d’un sommet de haut niveau sur le financement climat à Marrakech. Et d’ajouter : «  on espère que la feuille de route que nous présentons répond aux attentes. L’Angleterre et l’Australie ont publié cette semaine une feuille de route sur l’accès au financement des 100 milliards de dollars par à partir de 2020.

D’après les analyses de l’OCDE, les pays développés sont sur le point de répondre aux engagements, par un important financement public. « Il y aura une augmentation du financement climat public de plus 60% : le rapport montre que le  financement de l’adaptation devrait doubler d’ici 2020, »  a-t-il annoncé lors de cette réunion.

Les Etats Insulaires dans l’attente

Mais cette feuille de route est jugée peut satisfaisante par les Petits Etats Insulaires en Développement.  «  Le chemin est encore long, et nous devons nous poser les questions clés sur l’accès aux 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 :  Que constitue la finance climat ? y aura-t-il de nouveaux financements ? Comment le financement public sera utilisé pour appuyer les investissement privés ? Comment se présentera l’équilibre entre le financement de l’ atténuation et de l’adaptation ? » a  interrogé le négociateur  en chef des Petits Etats Insulaire en Développement, et représentant des Maldives, Amjad Abdulla.

L’accord de Paris stipule dans sa décision du 12 décembre 2015, que les pays développés doivent amplifier leur aide financière, en suivant une feuille de route concrète afin d’atteindre l’objectif consistant à dégager ensemble 100 milliards de dollars des États-Unis par an d’ici à 2020 pour l’atténuation et l’adaptation tout en augmentant sensiblement le financement de l’adaptation par rapport aux niveaux actuels et continuer à fournir un appui approprié en matière de technologies et de renforcement des capacités. »

A l’issue des négociations, la Conférence des Parties servant à la réunion des Parties de l’Accord  de Paris a décidé que le Fonds d’Adaptation doit servir à l’accord de Paris, mais les décisions concernant la gouvernance et les arrangements institutionnels, ainsi que les modalités opérationnelles seront prise en 2018 lors de la COP 24, en Pologne.

A ce jour 111 pays ont ratifié le texte de Paris. Le dernier rapport « the civil society review » du collectif d’ONG, intégrant notamment Climate Action Uganda, intitulé «  Setting the past toward 1,5°C »  explique que seulement   30 à 44% de réduction de gaz à effet de serre suffirait pour atteindre les 1,5 °C en 2020 ( objectif préconisé par le  Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ). Mais sans action de réduction de gaz à effet de serre avant 2020, il sera compliqué d’atteindre cet objectif. Lors de la session de clôture, l’Afrique du Sud au nom du groupe  BASIC ( Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud) a insisté fermement sur la nécessité de discuter dans quelques mois des actions liées à l’ambition pré-2020 .Prochaines rencontres sur le climat : Mai 2017 et Novembre 2017 .  La COP 23, organisée par les îles FIJI, aura lieu à Bonn (Allemagne), pour des raisons techniques. Nombreuses sont les discussions dont la finalisation  aura lieu en 2018 lors de la COP 24. 2018: année où le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) présentera son rapport.

 

*Protocole de Kyoto: Signé en 1997 et entré en vigueur en 2005 et arrivé à terme en 2012 mais pas respecté. En 2012, la Conférence des  Parties a adopté un amendement à Doha . Cet amendement a permis d’établir le second engagement du protocole de Kyoto, qui a commencé le 1er Janvier 2013 et se terminera le 31 décembre 2020. A ce jour, 73 pays l’ ont ratifié.

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