COP 22- Accord de Paris- « Atteindre les objectifs et les ambitions ne sont pas une évidence »

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COP 22- Accord de Paris- « Atteindre les objectifs et les ambitions ne sont pas une évidence »

Par  Patricia Espinosa

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Il n’y a qu’un seul avenir possible pour l’humanité, à savoir un avenir durable. En 2015, la communauté mondiale a convergé vers cette vision intégrée de l’avenir et a mis en mouvement une transformation sociale et économique afin d’y parvenir.

La vision est articulée autour de l’Accord de Paris sur les changements climatiques, du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe. L’unicité de l’objectif reflété dans ces accords capitaux doit maintenant exploiter l’ampleur et la profondeur sans précédent d’une action universelle qui implique tous les acteurs de tout niveau et de toutes les régions du monde. Les défis seront phénoménaux, mais les bénéfices de la réussite seront encore plus grands.

Le plan exige une profonde transformation structurelle qui place en son centre des économies bas carbone et des sociétés résistantes aux changements climatiques.

Au cours des 15 prochaines années, les objectifs de ces accords, reliant le climat, la durabilité et la résilience, doivent témoigner d’une réduction sans précédent des émissions mondiales de gaz à effet de serre mondiales et d’efforts inégalés visant à bâtir des sociétés qui peuvent résister à l’augmentation des impacts climatiques. Le taux de progression actuel ne mènera pas à la réussite.

Une des exigences prioritaires réside dans un changement beaucoup plus rapide et fondamental des modèles mondiaux et des incitatifs aux investissements, visant à s’éloigner de la production d’énergie, des infrastructures, de la pollution et de la gestion des déchets non durables. Toutes les mesures pour lutter contre le changement climatique font partie intégrante et sont inséparables du plan dans son ensemble. Le leadership et l’engagement de tous les gouvernements restent au cœur de la réussite.

L’action climatique contribue directement à un meilleur bien-être pour les humains, inscrit dans les dix-sept objectifs de développement durable. Elle protège la vie et les moyens de subsistance, améliore la santé publique, crée de nouvelles industries et une agriculture durable, réduit les coûts pour les gouvernements, les entreprises et les citoyens et ouvre de nouvelles perspectives d’investissement rentable.

L’action climatique est également cruciale pour éviter les crises existentielles qu’un changement climatique non maîtrisé présenterait à l’humanité. Les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère continuent d’augmenter et les températures mondiales battent de nouveaux records tous les mois.

Pour limiter le réchauffement mondial bien en dessous de 2°C et aussi près de 1,5°C que possible afin d’éviter de dangereux points de basculement dans le système climatique, les émissions mondiales doivent culminer au plus vite et baisser de manière drastique par la suite. Un équilibre doit être atteint dans la seconde moitié de ce siècle entre les émissions mondiales et les absorptions par séquestration dans les écosystèmes ou par d’autres moyens.

Les générations actuelles se trouvent à un carrefour unique. Nous sommes la première à pouvoir mettre fin à la pauvreté, mais la dernière à pouvoir agir pour éviter le dangereux changement climatique qui compromettrait le bien-être universel qui se trouve à notre portée.

Le leadership des gouvernements, fondation de la réussite future

La réussite exigera sans aucun doute un leadership politique et un dynamisme provenant du plus haut niveau, mais soutenus par une présentation claire et une compréhension croissante du public des considérables avantages sociaux, sanitaires et économiques dont bénéficieront les citoyens du monde entier.

Les développements technologiques et la finance intelligente s’accélèrent de plus en plus vers ces objectifs transformationnels, mais sont loin d’être suffisamment rapides.

Le pouvoir de passer à la vitesse supérieure reste fermement ancré aux mains des gouvernements, individuellement et collectivement. La clé de la transformation sera la façon dont les gouvernements nationaux intègrent l’action climatique, la mise en œuvre des objectifs de développement durable et les objectifs de gestion des risques dans tous les secteurs et ministères.

Plus de lois, de politiques et d’incitations coordonnées et respectueuses du climat sont nécessaires. Toute forme d’inégalité de traitement en faveur de vieux modèles de croissance et de développement basés sur les combustibles fossiles et les modes de vie et aspirations à hautes émissions de carbone, doit vite être abandonnée.

Mais alors que la transformation exige de nouvelles technologies et un investissement réorienté, elle ne nécessite pas une manière totalement réformée d’interagir, mais simplement une coopération plus étroite et plus profonde entre les leviers du changement, notamment entre les gouvernements, les villes, les régions, les entreprises et les investisseurs.

Par ailleurs, les incitatifs économiques bien assimilés relatifs au risque et au rendement et les objectifs sociaux d’équité et de justice demeurent absolument pertinents et susceptibles de se déployer dans la course à un avenir résilient et bas carbone.

Il est essentiel d’ouvrir l’appétit du secteur privé à financer la transformation de manière directe. Des dizaines de milliers de milliards de dollars reposent dans les banques et sur les bilans d’entreprises aux taux d’intérêt faibles, nuls, voire même négatifs. Ces banques et entreprises  sont à la recherche de projets bancables aux rendements concrets, si les bons incitatifs, cautions et garanties sont fournis par les gouvernements nationaux, soutenus par la communauté internationale et les institutions multilatérales de prêt.

Les plans climat de Paris et les structures de soutien fournissent une plate-forme pour des progrès plus rapides

L’un des résultats les plus significatifs de Paris réside dans l’acceptation publique des gouvernements de leur responsabilité de mener l’action climatique. Ils ont présenté un ensemble de plans nationaux visant à prendre des mesures immédiates, se sont engagés à ne jamais diminuer leurs efforts au fil du temps et, si possible, à élever leur ambition. Ils ont convenu de finaliser à temps les détails d’un régime mondial transparent qui justifiera, examinera et soutiendra une action plus importante sur tous les fronts. Ils ont également convenu de renforcer le soutien aux technologies adéquates et le soutien financier aux nations, y compris les plus pauvres et les plus vulnérables, de sorte que chaque pays puisse bâtir son propre avenir durable fondé sur une énergie propre.

Parce qu’une action climatique bien planifiée et soutenue dans ses nombreuses formes accélère presque toujours l’avancement de la durabilité et de la résilience, ces plans ont un effet multiplicateur pour des progrès rapides universels.

Pour que l’Accord de Paris atteigne son plein potentiel, les gouvernements vont maintenant devoir transformer son ambitieuse conception en une machine aux rouages bien huilés, composée de ces pièces opérationnelles, capable d’accélérer l’action climatique visant à réaliser les buts et objectifs fixés par l’accord.

Il est indispensable pour les institutions internationales de cibler et de se fixer des priorités

D’autre part, une réussite continue du régime climatique de l’ONU renforcera et sera à la fois renforcée par les autres initiatives nationales des programmes mondiaux relatifs au développement, à l’environnement, aux risques de catastrophe, aux droits de l’homme et à la paix.

Sans une action climatique décisive, tous ces autres objectifs seront difficilement atteints, voire impossibles à réaliser, mais sans de sérieux et significatifs progrès dans les domaines du développement, de la gestion des catastrophes environnementales, des droits humains et de la paix, la lutte contre le changement climatique et le renforcement de la résilience deviendront plus difficiles et incertains.

Ce programme de développement intégré est donc au cœur de l’ordre du jour des gouvernements sous l’égide des Nations Unies et le thème principal des agences de l’ONU et des autres institutions multilatérales collaboratrices. Aucun processus ou organisme isolé ne peut adopter, ou essayer d’adopter, tous les aspects de la solution en son seul sein.

La responsabilité de leadership en ce qui concerne les différents aspects des progrès sera assumée par les organisations les mieux placées en termes de ressources et de compétences nécessaires à la réalisation du changement. L’ensemble de l’organisation, plutôt que ses différentes composantes, sera crédité pour les progrès effectués.

La volonté et le savoir pour la réussite

Atteindre les objectifs et les ambitions de l’Accord de Paris ne sont pas une évidence. Le monde a besoin de comprendre l’urgence et la complexité de ce que la communauté internationale a entrepris.

Il faudra un effort de plusieurs décennies pour renverser deux siècles de développement basé sur les combustibles fossiles et l’exploitation de ressources naturelles, et prendre une voie durable pour le bien de chaque nation, homme, femme et enfant.

Je suis cependant convaincue que les dirigeants du monde ainsi que l’énorme vague de soutien des villes, des entreprises, des investisseurs et des citoyens peuvent propulser l’ambition plus haut et plus rapidement, en soutien à notre vision commune d’un avenir au climat sûr et durable.

*  Patricia Espinosa, Secrétaire Exécutive Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC)

 

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