Election présidentielle aux Comores : Enjeux de développement durable

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Election présidentielle aux Comores : Enjeux de développement durable

Les Comoriens ont voté dimanche dernier dans le cadre du second tour de l’élection présidentielle. Mais quels sont les enjeux de développement durable de ce Petit Etat Insulaire en Développement ? Décryptage.

Par Houmi Ahamed-Mikidache

Potentiel economique

Credit photo: Ulanga
Credit photo: Ulanga Ngazidja

D’après le récent rapport de la Commission Economique pour l’Afrique, intitulé « Vers une industrialisation verte en Afrique », les chefs d’Etat africains doivent s’interroger sur les moyens d’intégration de  la jeunesse dans les emplois verts. C’est  l’un des défis les plus importants des gouvernements africains.  Aux Comores, situées dans l’océan indien, les jeunes forment plus de la moitié de la population. Nombreux sont diplômés. Mais, les formations ne sont pas adaptées aux futurs emplois verts. Les formations professionnelles dans l’économie verte pourraient être la solution, selon des experts. Actuellement, il y a une meilleure sensibilisation des questions environnementales dans l’archipel.

 

« Ces dernières années, il y a eu une conscientisation de la population comorienne. Partout, même dans les milieux reculés, il y a des associations villageoises de sensibilisation, » explique Ismael Bachirou, directeur de l’environnement et des Forêts des Comores. Et d’ajouter : «  La population comorienne a compris. Elle doit  protéger l’environnement pour sa survie. ». Pour M. Bachirou, la disparition des plages, la diminution des rivières, ainsi que les décalages fréquents des saisons pluviales ont incité une partie de la population à mieux comprendre les enjeux environnementaux.

 

Les Comores, îles d’origine volcanique, regorgent de ressources naturelles non négligeables, selon des experts. Comme les six Petits Etats Insulaires en Développement (PEID) d’Afrique, elles dépendent énormément des secteurs côtiers et marins, indique un rapport sur les PEID de la Commission Economique pour l’Afrique (CEA), publié en 2014. Mais, ces îles vivent aussi des cultures vivrières. Ce secteur procure 40% du PIB.

 

Depuis quelques années deux concepts définissent les opportunités de développement durable  : l’Economie Bleue et l’Economie Verte. Deux concepts présentés lors du Sommet de la Terre Rio+ 20 en 2012. Ils ont pour vocation d’améliorer le bien être humain et la justice sociale, tout en atténuant les pénuries écologiques, selon le Programme des Nations Unies pour le Développement. De fait, l’Economie Bleue, selon les experts onusiens, s’intéresse à la pêche, la navigation, le transport maritime, le tourisme littoral, l’énergie de la mer ( fossile et renouvelable), les industries pharmaceutiques et cosmétiques, les ressources génétiques et les produits de la mer. L’Economie Verte est caractérisée par  le développement des énergies renouvelables, le marché du carbone, issue des forêts, ainsi que le développement d’une agriculture moderne. Actuellement, avec une population de 752 288 habitants et un PIB par tête de 1100 dollars ( CEA), les Comores peuvent accéder à ces deux économies, mais font face à de nombreux défis.

 

L’Océan  face au climat

Crédit photo: Ulanga Ngazidja
Crédit photo: Ulanga Ngazidja

Les Comores sont un Hub du transport du pétrole. D’après le rapport 2014 sur les Petits Etats insulaires en développement d’Afrique, 30% de la production du pétrole dans le monde passe par les Comores. Ce qui représente plus de 5000 voyages de navires citernes par an. De fait, ces îles sont sujettes à une pollution marine, provoquée par des accidents en mer, tels que celui du bateau Taureau. Ce dernier a pris feu en Mars 2007, près du port de Moroni, avec notamment 60 tonnes de diesel à bord. Selon le rapport de la Commission Economique de l’Afrique sur les potentialités des Petites îles en développement d’Afrique, ces risques d’accident sont décuplés par la saison de cyclones.Les Comores subissent des dérèglements climatiques et doivent faire face à un problème de gestion des déchets.

 

Credit Photo: Ulanga Ngazidja Petit Marché de Moroni
Credit Photo: Ulanga Ngazidja
Petit Marché de Moroni

 

Au mois de décembre dernier, à l’issue de la 21ème Conférence de l’ONU sur le Climat ( COP 21), 195 pays se sont prononcés pour une limitation du réchauffement climatique à 1,5°C. Ces Etats ont aussi reconnu la nécessité des Océans. « Notant qu’il importe de veiller à l’intégrité de tous les écosystèmes, y compris les océans, » précise l’accord de Paris. Depuis 2012, les Océans occupent une place importante dans le développement durable. Une référence à ce sujet est soulignée dans le document issu du Sommet de la Terre.

Récemment la Ministre Française et présidente de la COP 21, Ségolène Royale a annoncé son soutien pour la rédaction d’ un rapport spécial Océan par le  GIEC. L’assemblée générale de ce consortium de scientifiques se tient  du 11 au 14 avril à Nairobi ( Kenya). Dans le cadre des 15 décisions du plan d’Action Mer et Océan présentées par la Ministre française, la France défend la généralisation à l’international d’un système obligatoire de surveillance, de déclaration et de vérification des émissions de CO2 pour le transport maritime en vue des discussions à l’Organisation maritime internationale fin avril.

Le Tourisme durable

Crédit photo: Ulanga Ngazidja
Crédit photo: Ulanga Ngazidja

La promotion du tourisme aux Comores existe depuis quelques années. L’Office de tourisme des Comores fait la promotion d’ un tourisme naturel, un éco-tourisme, avec entre autres une mise en avant des paysages naturels des Comores. Les Comores sont membres de l’ Association « Iles vanille ». Le concept marketing  » Iles Vanille » a été défini début août 2010, lors d’une rencontre des représentant de l’Office du Tourisme de la zone Océan Indien à la Chambre de commerce de l »île de la Réunion. Ce concept consiste à réunir les îles de l’Océan Indien afin de mettre en commun les moyens et  savoirs-faire spécifiques des îles. Le concept  » Iles Vanille » est dorénavant une  marque internationale qui permet de mieux vendre les îles de l’Océan Indien.  « Contrairement aux Seychelles et à l’Ile Maurice, notre destination est encore méconnue et ce n’est aucunement un handicap, notre slogan est TRÉSOR CACHÉ DE L’ OCÉAN INDIEN, » affirme Hissane Guy, présidente de l’Office du tourisme aux Comores. Et d’ajouter : «Notre pays a beaucoup plus d’ atouts liés à notre culture, notre gastronomie notre histoire millénaire! »

Comprendre le mécanisme de l’eau

Selon le spécialiste comorien des questions d’hydrologie et de changement climatique, Dr Oubeidillah Abdoul, les activités humaines et le réchauffement planétaire ont des conséquences réelles sur l’environnement aux Comores : Dérèglement des saisons, Sécheresse, Inondations, Augmentation du niveau de la mer, Extinction de la faune et la flore. Suite aux dérèglements climatiques et à la déforestation, les ressources en eau se raréfient. Les pluies se font rares, la saison pluviale arrive tardivement et cette saison est suivie par de longues périodes de sécheresse. Les impacts : calendrier agricole décalé, recharge des nappes souterraine perturbée. Les solutions de M.  Oubeidillahi: le captage des eaux de pluie,  la prospection des eaux de pluies,  la lutte contre la déforestation, et la  reconstruction des rivières.

Une agriculture innovante : source d’emploi des jeunes

Pour le président de la Fédération nationale des agriculteurs comoriens et femmes agricultrices (FNACFA), Mohamed Soilih dit Momo,  l’agriculture peut lutter contre le chômage des jeunes. Actuellement, 80% des jeunes sont au chômage. Une agriculture innovante pourrait plaire à ces jeunes, selon M. Soilih. «  L’agriculture moderne, ce sont des ordinateurs, des machines puissantes, des laboratoires puissants pour faire des applications, » affirme-t-il. Et d’ajouter : «   Les jeunes ne s’intéressent pas à l’agriculture, parce qu’ils voient dans quelles conditions leurs parents travaillent, avec des outils de la pré-histoire. » Mais, pour M. Soilih, délaisser l’agriculture, formant plus de 40% du PIB des Comores, serait un danger. «  Pour moi, la paix et l’alimentation vont de paire, » souligne-t-il. La FNAC-FA s’est associée depuis deux ans avec une association de la diaspora en France, MWAFAKANANTSI . Leurs objectifs : transformer les transferts de fonds de la diaspora en investissements productifs.

Le financement des actions : Point d’interrogation

A Paris, lors de la COP 21, les Comores ont présenté un plan d’action national ambitieux. Les îles prévoient de contribuer à la réduction des émissions de Gaz à effet de Serre de 84% d’ici 2030. Même si ces îles sont un puit de carbone, précise certains experts. Les Comores demandent 675 millions de dollars, dont une partie sera dédiée aux actions d’atténuation, de réduction de gaz à effet de serre et une autre à celles d’adaptation aux changements climatiques, liées aux actions de prévention et de lutte contre les aléas climatiques. Les Comores, comme la plupart des pays en voie de développement,  n’étaient pas dans l’obligation de présenter un plan d’action national. Maisl’Union des Comores n’a pas régulièrement accès à l’énergie et dépend énormément de l’extérieur pour sa consommation d’énergie. Les questions d’accès à l’électricité  occupent donc une place importante au sein de ce pays.

D’après un rapport de la Banque Africaine de développement (BAD) , le taux d’accès à l’électricité aux Comores ne dépasse pas 30% entre les trois îles. Ce rapport, présenté en amont d’une réunion de la BAD aux Comores, l’an dernier, précise que «le taux d’accès à l’électricité, mesuré par le raccordement des habitations, serait de l’ordre de 60% en Grande Comore, 50% à Anjouan et seulement 10% à Mohéli (les trois îles des Comores). Selon les experts de la BAD, les subventions directes et indirectes au secteur de l’énergie sont très importantes : 7 millions de dollars US. Les Comores sont engagées dans plusieurs programmes d’accès à l’énergie dont le programme d’accès au fioul lourd avec l’Inde, le géothermique avec la Nouvelle Zélande en partenariat avec le Programme Des Nations Unies Pour le Développement, le photovoltaïque avec la Chine.

Dans l’accord de Paris, il est fait  mention de l’accès aux énergies renouvelables en Afrique. Cette mention fait  suite au programme d’accès à l’énergie présenté par les Chefs d’Etats africains, en parallèle de la COP 21. Un programme visant l’utilisation de 10 gigawatts pour 2020 et au moins 300 Gigawatts d’ici 2030. La BAD, la Banque Mondiale, la Suède, l’Union Européenne, envisagent de verser 12 milliards de dollars. Mais le continent africain doit obtenir des financements du secteur  privé. Le financement des plans d’action nationaux des pays du sud pose question au sein des pays en développement. Pour M. Bachirou, il n’est pas facile de recevoir les financements privés dans des pays où le climat des affaires n’est pas aux normes.

«  Nous, on est habitués à recevoir les financements publiques. Avec les financements privés, il y a de nombreux engagements et exigences, » indique-t-il. Et d’ajouter : « Aux Comores, le climat des affaires n’est pas compétitif pour accueillir ce type de financement. ». Autre point important du financement : l’adaptation. D’après le dernier rapport de l’OCDE sur le décompte des 100 milliards attendus à partir de 2020 , environ 16 à 18% sont consacrés à l’adaptation.A ce jour, la problématique du financement  de l’adaptation n’est toujours pas résolue.  Principal fonds destiné au financement de l’adaptation et de l’atténuation, le fonds vert ne dispose que de 10 milliards d’euros. Les Comores ont intégré l’an dernier le programme de préparation d’accès à ce fonds.

 

 

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